Nombreuses
et fort variées selon les tribus, mais convergentes par leur
philosophie, sont les règles qui régissent la conduite des hostilités,
la capitulation ou la reddition, la fin de la guerre, les représailles
et les traités de paix, le sort des captifs, l'asile, la neutralité, les
interventions et les alliances ; ensuite celles relatives au traitement
de la personne humaine en cas de conflit armé en raison de leur rôle
avant et après les hostilités (envoyés spéciaux, médiateurs...), de
leurs fonctions spéciales (prêtres, féticheurs, guérisseurs), de leur
état physique (vieillards, enfants, et infirmes) et de leur statut
(populations non-combattantes...) ; et enfin celles relatives à la
protection spéciale de certaines zones et des biens de caractère
précieux, soit en raison de leur valeur symbolique (cimetière, bois
sacrés...), soit encore à cause de leur importance vitale (puits d'eau,
récoltes, bétail...).
1. Personnes et biens protégés en cas de conflit armé
D'abord, il faut reconnaître que parmi les personnes citées
ci-dessus, il y a celle qui remplissent une fonction sociale de premier
plan. Les prêtres sont à cet égard des hommes qui ont le plus accumulé
des forces vitales pour leur expérience, leurs connaissances, leur
situation ; ce sont les patriarches des familles les plus anciennes,
sont des magiciens qui ont fait leur preuve, qui ont appris les rites,
après plusieurs années d'épreuves et d'ascèse, soit dans les couvents
comme au Dahomey et au Nigeria, soit sous la houlette d'un ancien comme
ce fut le cas dans la plupart des tribus. Ils ont en effet l'art
d'interpréter la volonté de Dieu.
Le rite du sacrifice du coq dans les cimetières est une pratique à
laquelle ils recourent constamment. Quant aux guérisseurs, ils ont le
pouvoir de détecter les maladies grâce aux invocations et soignent les
malades ou leur faisant porter des talismans ou boire des décotions. Ce
sont les devins-guérisseurs, appelés aussi féticheurs, à l'opposé des
sorciers qui sont possédés par une maléfique volonté de puissance. Par
ailleurs, il faut noter l'importance des anciens (vieillards), proches
des ancêtres et des esprits protecteurs.
Ainsi donc, c'est principalement en raison de leur mission sacrée
pour les uns (féticheurs, prêtres) et de l'importance de leur rôle
historique pour les autres (vieillards, griots) que certaines personnes
sont préservées des fléaux et maux causés lors des hostilités.
Subsidiairement cependant, les lieux où les premiers œuvrent étant
sacrés et protégés, leurs gardiens le sont à plus d'un titre.
De même, le vieillards, véritables dépositaires des traditions
orales et "bibliothèques vivantes", sont épargnés. Ne dit-on pas dans un
proverbe zaïrois : "On détruit la pirogue, mais jamais le port.
En outre, à cause de la conception cosmogonique et vitale de la
nature en Afrique déjà mentionnée, on attache une importance capitale à
certains biens comme l'eau, le bétail et la terre. D'où leur
appropriation et leur exploitation collective. Le bétail, les récoltes.
Les points d'eau, dans la mesure où ils sont destinés, de par la
tradition, à la survie aussi bien de leurs propriétaires, du groupe
social auquel ils appartiennent que des étrangers même de passage, voire
des adversaires, sont, en général, épargnés des vicissitudes de la
guerre.
Les professeurs Kappeler et Kokooza ont ainsi cité la pratique qui
consiste, auprès des peuples lacustres de l'Afrique de l'Est, à
interdire aux belligérants de considérer le bétail, les récoltes et les
puits d'eau comme cibles de guerre.